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Dihya et Izem

Nouvelle inspirée de la légende d'Imilchil. Partie 1.

 

Le jeune homme attendait derrière des rochers, c’était le milieu de l’après-midi et il avait chaud. Devant lui, le plateau s’étendait, rocailleux. La végétation y était rare en cette fin d’été.

En demi-cercle, une falaise s’ouvrait sur la palmeraie à ses pieds; au loin, on apercevait la hamada désertique. Tout autour, un univers minéral dont les rochers usés par le vent et la chaleur prenaient parfois des formes étranges, surtout les nuits sans trop de lune, alimentant les peurs de l’enfance.

 

Montagnard nomade, il avait toujours vécu dans ces montagnes. Avec son père et ses frères, tout en poussant les troupeaux de chèvres ou de moutons vers les pâturages, il en avait appris tous les sentiers, de jour comme de nuit. Ces terreurs d’enfants avaient disparu avec le temps.

 

Ces connaissances allaient être primordiales aujourd’hui, tout à l’heure. Sa vie future, leur avenir en dépendait.

 

Malgré la peur, l’excitation le gagnait.
 
Diya et izem 1

 

Le cœur de Dihya battait fort dans sa poitrine. La prière d’al’Asr approchait, elle devait quitter la maison au plus vite. Ne rien amener à part son indispensable carte d’identité nationale et l’extrait de naissance qu’elle avait réussi, avec quelques dizaines de dirhams de bakchich à l’appui, à se fournir discrètement, à l’annexe de la municipalité d’un village voisin.
Ses frères étaient partis dans les champs, seule restait la grand-mère qui malgré ses airs innocents avait compris depuis longtemps ce qui agitait le cœur de la jeune femme.
 
Elle devinait bien qui en était la cause. Ce jeune nomade… Soit il les rencontrait comme par hasard au souk hebdomadaire, soit sa petite-fille se débrouillait, innocemment bien entendu et sous de fallacieux prétextes, à passer dans l’allée où lui et sa famille tenaient leur enclos de moutons et de chèvres destinés à la vente. Comme si elle était dupe.

 

La mère de Dihya, sa belle-fille, était morte il y a quelques années, emportée par une maladie que personne n’avait vue venir. Des douleurs au ventre, mais le toubib était loin, l’hôpital encore plus. Le destin…Elle avait essayé de la remplacer, mais Dihya était intelligente et rebelle, elle savait ce qu’elle voulait.

 

S’en remettant aux desseins du Très Haut, elle ne voulait, ne pouvait pas intervenir. La tradition… Dihya avait été promise à un lointain cousin il y a quelques années, un fonctionnaire en poste dans une province du grand sud. Un fonctionnaire, tu penses…

 

Cela ne faisait pas longtemps que Dihya était au courant de la destinée que sa famille avait décidée pour elle. Ce jour là, l’aïeule comprit que des jours sombres s’annonçaient. Malgré tout, si elle ne favorisait rien, elle n’empêcherait rien non plus.

 

Allah yakoun maeak benti , murmura-t-elle dans un arabe approximatif dont elle ne connaissait que quelques formules. N’ayant jamais été à l‘école, elle ne savait ni lire ni écrire et ne parlait que le tachelit, la langue berbère parlée dans la région.

 

Que Dieu t’accompagne, ma fille !

 

Dihya et izem 2

 

À l’ombre des rochers, Izem attendait, fébrile. Il se rappelait ses premières rencontres avec Dihya, leurs premières œillades et les sourires au souk…ses yeux noisette et sa peau mat, fruit de longs métissages dont le sud marocain était coutumier. Puis il y eut les premiers rendez-vous, aussi furtifs que pudiques. Ils se parlaient à peine, leurs regards perdus l’un dans l’autre, n’osant se toucher, ne serait-ce que s’effleurer les mains.

 Et puis, elle n’était jamais seule. Elle y venait accompagnée de sa meilleure amie, cela ne se faisait pas pour une jeune fille d’aller comme ça, seule, dans la palmeraie. Deux jeunes filles ensemble en papotant, macha mouchkil, ça pouvait passer.

À force de discussions chuchotées à l’ombre d’un bois d’oliviers, Dihya, les larmes dans les yeux, lui apprit les plans de son père. Au fil des rendez-vous, presque quotidiens maintenant, et des renseignements glanés de-ci de-là, une décision se fit jour.
 
Imilchil, territoire des semi-nomades Aït Hadiddous, une tribu puissante, alliée à la sienne au sein de la grande confédération Aït Yafelmane, était à une centaine de kilomètres et dans seulement quelques jours, il s’y déroulerait le grand moussem de Souk –am. On y garantissait toujours la coutume du Taqerfiyt.

 

Cette coutume ancestrale était née d’une vieille légende. S’il ne la connaissait pas entièrement, il en avait compris que cette histoire ressemblait étrangement à la leur. Celle de deux amoureux issus de tribus ennemies dont les familles respectives refusaient l’union. Ils moururent tous deux de chagrin, leurs larmes formant deux lacs dont s’enorgueillissait ce village montagnard.

 

Toujours est-il que suite à cette dramatique issue, il fut décidé par les chefs de tribus, les amghar, d’un jour pour célébrer collectivement des mariages pour lesquels le consentement familial ne serait plus requis. Les jeunes qui se choisissaient venaient donc s’unir librement et sans contrainte.
Cette tradition a perduré au fil des siècles; de toute façon, isolée comme l’était la région durant l’hiver, la neige coupait durablement les accès, les adouls venaient traditionnellement durant ce grand moussem qui correspondait aussi à la fin de l’année agraire. Les gens y venaient de loin, toutes tribus et clans confondus, pour y conclure des affaires, faire des échanges, sceller des alliances, enregistrer naissance et décès, et célébrer collectivement ces mariages uniques dans le pays.

 

C’est là qu’ils iraient.

Dihya et izem 3

Bassou, lui aussi avait deviné depuis quelques temps les desseins de son cadet. En sage ancien, il savait les idées préconçues qu’avaient les gens de la palmeraie sur les nomades. Et le père de la petite gazelle était totalement borné. La tradition allait davantage dans les mariages entre cousins... Ne pas perdre la terre, le troupeau, en était les prétextes. Les biens chèrement acquis se devaient de rester dans la famille, qu’elle soit nomade ou sédentaire. Mais le monde évoluait, et lui aussi. Malgré son âge et l’isolement procuré par son mode de vie, il sentait le monde changer. Il le voyait bien les rares fois où il se rendait au souk ou à Imilchil justement. Cette année, il n’irait pas. Il respectera le choix des jeunes s’ils arrivaient jusque là-bas, mais il ne tenait pas être accusé de l’avoir favorisé. Pas par lâcheté, non, mais car tout le monde doit affronter seul ses propres choix et l’image du clan ne devait pas être ternie par une quelconque compromission.

 

Intelligent, il mesurait néanmoins l’avantage de ce rapprochement. Il savait que son fils ne voulait pas abandonner cette vie, il aimait la rudesse de la montagne, conduire les troupeaux, la transhumance entre pâturages d’été et pâturages d’hiver. Plusieurs jours de voyage avec ânes, mulets et dromadaires pour transporter le campement. Changer de lieu au rythme d’un calendrier agraire immuable, fier de cette liberté et de leurs traditions nomades ancestrales…De plus il était éperdument amoureux, elle aussi à priori. Une fille avec du caractère pour faire le choix d’abandonner sa famille, d’être répudiée par elle. Il était content pour Izem, qu’il ait rencontré cette fille, une femme bientôt, incha Allah, fière et courageuse.
Ce mariage amènerait du sang neuf dans le clan.

 

Et puis sans être en ville, la famille de la petite gazelle comme il l’appelait déjà affectueusement, en était proche. C’était peut-être une occasion de tisser des liens, dans la palmeraie d’abord, puis en ville. La vie nomade devenait dure dans la montagne, des jeunes voulaient partir, vivre dans une maison, avoir un peu de confort. L’hiver dans l’adrar, il faisait froid, très froid dans le campement, malgré les maigres feux et les couvertures. La neige envahissait vite les pistes et les sentiers, les coupant du monde pendant plusieurs jours, parfois des semaines. Il devait les encourager à partir, mais pas tous.

 

Pas Izem, il avait la montagne dans le sang.

 

Dihya et izem 7 

Dihya était sortie de la maison, et dissimulée derrière un bosquet de figuiers attendait son amie Meriem. Il fallait qu’elles fassent attention, si ces frères étaient encore dans les champs, elle savait que ce matin, ils avaient surveillés la petite place du village d’où partaient les taxis.
Elle devait en prendre un jusqu’au village en haut de la palmeraie, Meriem la quitterait là et prendrait le taxi suivant par précaution. Le jour commençait à tomber, annonçant bientôt ‘‘tinouitchi’’ la première prière du soir, les gens seraient occupés et elle pourra se faufiler à travers le sentier qui mène au plateau...et à l’amour.
Izem y avait préparé une grotte pour qu’ils y passent la nuit. Un peu de nourriture, du pain et des dattes séchées, de l’eau et des couvertures. Pas de feu, pas la peine de se faire repérer.
Ils en partiraient tôt le matin, à la première prière juste avant le lever du jour, il y avait un peu de lune. Puis ils traverseraient la montagne par des sentiers connus seulement des nomades et rejoindraient le village de Tamtattoucht en quelques heures.
De là, un camion les mèneraient assez rapidement à Imilchil. Le moussem allait commencer.
Izem lui avait expliqué que la piste passait par le Tizi n’Tirherhouzine, un des plus hauts cols du Haut Atlas.
Il lui avait fait sentir la beauté des montagnes, les couleurs gris-bleu des pics déchiquetés, aux formes étranges, presque lunaires, comme sculptés par le temps. Il disait aussi que c’est dans ces parages qu’un jour, il aimerait qu’ils fondent leur propre campement, y voient grandir leurs enfants. Avoir leur troupeau bien à eux, ce serait dur au départ. Au fond d’elle-même, elle sentait qu’elle allait aimer cette vie en pleine nature, un peu sauvage mais en liberté, rien qu’eux. Peu lui importait le confort pour peu que le nécessaire soit là. Et puis, la montagne l’attirait, un peu comme un aimant. Elle l’avait ressenti plusieurs fois lorsqu’elle approchait de ses parages durant ses promenades rêveuses avec Meriem.

 

Elle était décidée, prête à tout.

 

Dihya et izem 4

 

Meriem était inquiète, la fin d’après-midi déclinait rapidement et elle devait trouver un taxi, une fourgonnette, peu importait, qui la ramène vite avant que l’on s’inquiète de son absence.
Elle pensait à son amie. Si elle comprenait sa démarche, sa fougue pour vivre son amour au milieu de beaux paysages mais aussi de nulle part, non, elle ne désirait pas ça. Elle savait depuis longtemps qu’elle était promise à un cousin. Elle le connaissait depuis l’enfance. Il ne lui déplaisait pas d’ailleurs, il avait un beau sourire et elle essaierait d’apprendre à l’aimer avec conviction. Incha Allah!
De plus il était commerçant en ville, il avait son propre magasin, en plein centre et contrairement à Dihya, elle avait envie du confort d’une maison. Pas forcément de vivre dans le luxe, mais bien, tout simplement. S’occuper de sa maison et de ses enfants, servir son mari, c’est ce que sa mère lui avait appris, et cela lui convenait parfaitement.
Tout à coup, elle vit une voiture rouler vers elle à vive allure! Elle aperçut un gyrophare sur le toit. La police, suivie d’une fourgonnette où s’entassaient Ichou, le père de Diya, un de ses fils, puis Bassou et la grand-mère….Le plan été éventé, trop tard. Elle eut juste le temps de se dissimuler entre deux roches qui bordent la piste.
Les frères avaient du faire surveiller la place des taxis, mais elles n’avaient pas eu le choix.
Les voitures passées, elle fila le plus rapidement qu’elle pouvait vers le taxi qu’elle voyait arriver au loin.

 

Essoufflée et encore un peu paniquée, mais roulant vers un avenir sûr.

 

Dihya et izem 5

 

Sur le plateau, Dihya et Izem se serraient dans les bras, heureux d’enfin se retrouver et riant aux éclats. Puis soudain, comme s’ils étaient animés par la même pensée, leurs regards se fixèrent sérieusement, ils se rapprochèrent l’un de l’autre et échangèrent un premier baiser sur leurs lèvres pudiques.
Ils s’apprêtaient à rejoindre le sentier dans la nuit qui commençait à s’installer lorsque des phares les illuminèrent. Ils distinguaient à peine les silhouettes qui descendaient des voitures.
Izem reconnut une voiture de police, vite il agrippa la main de Dihya et l’entraîna vers le sentier en songeant qu’il avait cru apercevoir son père parmi ces silhouettes diffuses.
Trop tard, elles étaient presque à l’entrée du sentier.
Les jeunes gens s’arrêtèrent net ; entendant furtivement qu’on les appelait dans l’obscurité et que l’on courait rapidement vers eux, ils se regardèrent tendrement puis après s’être embrassés passionnément commencèrent à se tourner, main dans la main, vers la falaise...

 

Dihya et izem 6

 

- Haïtam !!!
- Oui, oui, j’arrive.
- Haïtam !!! Le dîner est prêt !
- Papa ! Papa !
- Je viens tout de suite. Mais, chouf Hayati, je ne sais comment finir mon histoire…Mes tourtereaux…soit ils sautent de la falaise ?... Non, trop dramatique et trop violent…Soit ils se font rattraper…mais ce n’est pas très sympa…ils méritent mieux, beaucoup mieux. Soit…
- Viens manger, tu verras demain. Et puis sinon, et bé, tu demandes à tes lecteurs. S’ils aiment ton histoire, ils vont s’en trouver une de fin, pardi! Allez, viens c’est prêt.
-Tu crois ? Pourquoi pas remarque ? Ça pourrait être marrant et instructif...
- Papa ! Papa !
- Oui ma puce…
- Papa ! Papa ! Dis, tu me dessines un mouton...
 
 
 
Tinghir. Août 2017..
Tous droits réservés.

Dihya et Izem. Partie 2.

 

Avertissement

J'avais imaginé une suite à cette histoire, suite reprenant d'autres histoires courtes regroupant les personnages de la diabolique Aïcha Kandicha, (Un cri dans la nuit, La belle et le randonneur, Le saunier et la sorcière), et de l'inspecteur Si Ahmed dont le personnage apparaît dans La Belle et le randonneur.

Je publie donc cette petite suite  la demande de certaines personnes.

Une suite qui n'est toujours pas une fin...

 

Dihya et Izem

 

Tout en observant le nuage de poussière que soulevait une voiture qui se rapprochant sur la piste, Izem était en train de se réciter le poème amoureux qu’il avait composé pour Dihya :

…J’aime ta douceur

ton sourire et ta candeur

rien que du bonheur

sur ta peau être flâneur

te cueillir comme une fleur…

…tout en se disant qu’il fallait qu’il reste humble devant le bonheur qu’il vivait.

Humble ? Il l’était naturellement, comme les bergers nomades. Ne devaient-ils pas l’être dans ces montagnes souvent ingrates ? Même lorsqu’il regardait Tafsut, sa fille, son printemps comme ils l’avaient appelée malgré qu’elle soit née au milieu de l’été. Pour lui, elle était son printemps, celui d’une vie heureuse et il restait humble devant ce bonheur pour lequel il avait lutté tout en remerciant Dieu pour cette joie.

Souvent il se rappelait leur fuite bien avant qu’elle ne naisse. Avec Dihya, sa mère, ils avaient dû aller  jusqu’à Imilchil pour s’unir. Son père et ses frères ne voulaient rien entendre de  ce mariage avec un nomade. Avec l’aide de la police, Ils avaient cru les attraper sur le plateau, ils avaient oublié qu’Izem est un fils de la montagne.

Derrière leurs projecteurs, ils ne pouvaient rien voir de l’étroite ravine qui descendait sur le flanc de la falaise. Un long moment, ils avaient pensé que les jeunes gens avaient sauté sans un bruit.

Le temps qu’ils se rendent compte de leur erreur, Izem et Dihya, qu’il guidait entre les rochers, avaient emprunté la fine échancrure et ils eurent tôt fait de rejoindre un jeune cousin du garçon. Comme convenu celui-ci les attendait avec les mulets qu’il avait discrètement amenés en bas du plateau en fin d’après-midi.

Il leur avait fallu quatre nuits de marche difficile, à la lueur de la lune, pour arriver à Imilchil. La journée, ils se reposaient dans des grottes sommairement aménagées par le clan d’Izem pour leur servir de relais. Quatre jours durant lesquels ils avaient évités les villages et tant que faire se peut les routes. Sauf pour le haut col, le Tizi n’Tiherhouzine qu’ils avaient passé de nuit pour plus de sûreté. Et puis, ils y étaient presque, il leur restait  à passer le village d’Agoudal, puis traverser la haute vallée jusqu’au village d’Aït Ameur, situé un peu avant Imilchil et où se déroulait le  moussem de Souk el Am…Ce qu’ils firent sans encombre en suivant la route nouvellement goudronnée.

Arrivée à Imilchil, Dihya rayonnait malgré la fatigue du voyage, fière que son fiancé ait aussi bien organisé leur voyage. Il y avait foule dans la haute vallée d’Imilchil, cette grande foire attirait des gens de tout l’Atlas et au-delà.

 Peu habitués à voir tant de monde, ils se faufilèrent discrètement entre les étals et les tentes dressées par des gargotes fumantes et odorantes. Ça sentait bon les grillades et les tajines, le thé à la chiba, l’absinthe, les épices, des senteurs connues mais en surabondance ici. Les jeunes cousins avaient déjà faim.

Les yeux de Dihya étaient partout, peu habitués à tant de déballages.

 

Dihya et izem 3

Photo Allal Fadili.

 

D’énormes couscoussiers côtoyaient des gamelles aussi énormes, des services à thé et des plateaux ouvragés, d’immenses batteries de casseroles. Des produits manufacturés et des contrefaçons à bon marché faisaient concurrence aux tenues et vêtements traditionnels au milieu. Les marchands de bijoux attiraient toutes les attentions, surtout féminine, ci et là ressortaient les arômes d’épices colorées, joliment montées en forme de cône et d’herbes parfois médicinales.

Un peu à l’écart sur une colline ronde, se tenait le marché aux bestiaux. Il y avait là des dromadaires, des mulets et des ânes, quelques chevaux barbes et surtout des chèvres et des moutons en grand nombre.

Demandant plusieurs fois leur direction, ils arrivèrent enfin à la grande tente caïdale décorée de vert et de rouge où se célébraient les mariages, enfin ils pourraient se choisir et commencer leur existence…accord familial ou pas. Tout autour, des bendirs et des darboukas assortis de ghaïtas rythmaient joyeusement l’entrée des prétendants aux fiançailles ou au mariage.

Ils rejoignirent chacun une cabine aménagée pour revêtir les beaux vêtements qu’ils avaient  au préalable préparés chacun dans un sac qu’ils portaient en bandoulière. Lui dans une djellaba blanche, elle dans un beau kaftan qui appartenait à une cousine d’Izem.

La cérémonie collective démarrant, ils prirent place parmi les autres couples et prononcèrent leurs vœux. Muni de leurs papiers, chaque couple à son tour défila devant des adouls qui apposaient cachets et signatures sur des formulaires après vérification des identités. La dot offerte acceptée, l’approbation et les signatures des mariés et des témoins enregistrées, validées par un adoul, le mariage devint officiel.

Ne pouvant décemment s’embrasser en public, ils se regardèrent en souriant et se prirent la main en sortant. Il leur restait à accomplir ce qui était peut-être le plus important dans un mariage berbère : la fête sans laquelle la nuit de noce ne pouvait avoir lieu.

La leur, pour faire simple, aurait lieu au grand campement de la tribu. Des cadeaux seront offerts, les dattes et le verre de lait échangés entre les jeunes mariés, les bagues passées aux doigts.

Percussions et flûtes, chants et danses agrémenteront toute la nuit montagnarde. Au cœur de celle-ci, la fiancée, tislit, sera conduite en musique à la tente de son futur mari, qui sera surveillée par quatre matrones du camp, le linge blanc de la couche dûment contrôlé par elles…

Tafsut, comme son nom l’indiquait, était née le deuxième printemps après leur union. Encore bébé accroché au dos maternel, elle n’avait que quelques mois, elle n’en était pas moins vive et surtout souriante, déjà espiègle.

Souriain en lui-même à ces heureux souvenirs vit un drôle de bonhomme sortir en lissant ses moustaches de la voiture qui s’était arrêtée en contrebas. Il savait que le policier devait venir le voir mais pourquoi restait encore un mystère, enfin presque.

Il avait aussi entendu dire qu’il y quelques temps, un homme en proie aux démons avait chuté du haut d’un escarpement rocheux dominant la palmeraie près de Tinghir. Peut-être était-ce pour l’aroumi, l’étranger, qu’il avait récupéré errant dans la montagne et l’esprit plutôt perturbé.

 Celui là était encore à son campement…

À suivre…

 

Un cri dans la nuit.

La belle et le randonneur.

Le saunier et la sorcière.

 

20190819 172309

 

 

Le moussem des fiancés.

 

 La légende d'Imilchil.

 

Se déroulant vers la fin septembre, le moussem d’Imilchil est une ancienne tradition très forte chez les berbères Aït Hadiddou. C’est un des moussem les plus connus du Maroc, autant pour son côté commercial que celui culturel qui lui vaut maintenant une reconnaissance internationale.


Le moussem était habituellement organisé sur trois jours. Le vendredi pour le commerce du bétail, le samedi pour celui des denrées de première nécessité tandis que le dimanche était dévolu aux chants et danses traditionnels. Malgré les difficultés routières de son accès, son importance commerciale pour le haut Atlas central a toujours généré une grande affluence à Imilchil.


Cette renommée y draine de nos jours de plus en plus de touristes désireux de découvrir autant le magnifique site d’Aït Ameur, où cet énorme rassemblement se déroule quelques kilomètres au sud d’Imilchil que cette non moins célèbre fête des fiancés et les valeurs propres aux impétueux Aït Hadiddous habitant la région.


Nul ne sait pas exactement à quand remonte cette légende qui nous raconte l’histoire, très romanesque, de deux amoureux qui eurent le malheur d’appartenir à deux tribus rivales chez les Aït Hadiddous, les Aït Yaaza et les Aït Ibrahim. Leurs rivalités étaient si grandes que devant cette union impossible nos deux tourtereaux versèrent tant de larmes qu’ils s’y noyèrent en créant les lacs jumeaux Tislit et Isli, la fiancée et le fiancé.

Les familles respectives, les tribus, pour que cela ne se renouvelle pas, firent de ce moussem un lieu pour que tous jeunes gens puissent unir leurs vies librement et ce, sans consentements familiaux.


Ce que l’on sait, c’est que cette manifestation est postérieure à l’arrivée des Aït Hadiddous dans la haute vallée d’Imilchil au XVIIème siècle.
Fixés dans les vallées du haut Dadès C’est après d’âpres combats contre les puissants Aït Atta du Jbel Sagho que les Aït Hadiddous obtinrent le droit de s’installer. Nomades parlant le tamazight, ils s’opposent durement aux puissants Aït Atta sédentarisés et parlant le techlaïd particulièrement pratiqué dans le haut Atlas central.


Ils s’allièrent dans ces combats à d’autres tribus de la confédération Yafelmane et finir par créer leur premier village, Agoudal pour certains, Akdim pour d’autres. Depuis, semi nomades, ces fiers et nobles montagnards connus pour leur générosité et la grâce de leurs femmes occupent un vaste territoire allant de l’assif Melloul et la N’Timili à Tounfit et jusqu’aux environs de Rich. Une aire territoriale ouest nord-est traversée par les routes 704 et 706, parsemée de ksour ayant des écoles coraniques et un fkhi, où les serments d’allégeance aux différents sultans ont été toujours renouvelés depuis le XVIIème.


Pour les Aït Hadidous, ce moussem était l’évènement majeur de l’année pastorale qu’il concluait en fin d’été. Ce moussem qui était l’occasion de se souhaiter une bonne récolte à venir, avait aussi une triple vocation : commerciale, sociale et religieuse.


C’est aussi le moussem qui donna son nom à ce bourg montagnard, Imilchil étymologiquement ‘’imi n lkil’’ signifie ‘’porte d’approvisionnement’’. D’autres la nomment ‘’Agdoud n’Oulmghani’’, en référence à un saint marabout dont la tombe est située là. Ou encore ‘’Souk Aame’’, le marché de l’année, car pour certains, la rigueur de l’hiver, les pistes en mauvais état et souvent enneigées en faisaient l’unique occasion d’échanges, d’approvisionnements et de rencontres.


L’unique occasion aussi pour officialiser des unions, des décès, des alliances. En effet sous le protectorat français, un officier enregistrait durant le moussem les actes d’état civil des unions célébrées ensuite dans des villages parfois lointains et à l’accès souvent difficile.


Durant plusieurs années un festival international musical et folklorique complétait agréablement ce grand rassemblement de la culture berbère traditionnelle des Aït Hadiddous , il a maintenant lieu à une date différente.

 

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Date de dernière mise à jour : 22/09/2019

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