La complainte du griot

Dans le froid matinal,
Seuls quelques trilles,
Le doux bruissement de la rivière,
Égayent l’hiver.
La palmeraie semble endormie,
Repliée sur elle-même
Loin de l’agitation et du bruit
Dans l’attente d’un Renouveau,
Une immuable Renaissance.

Appuyé sur son bâton noduleux,
Le griot laisse voguer son esprit.
Le visage tourné vers le soleil,
Il s’imprègne de sa chiche chaleur.
Parti sur les vagues du temps,
Il laisse des souvenirs lui revenir.
Ceux d’une époque lointaine.
Celle de Pacha Mama,
La Terre Mère.
Sa Magie, en ces temps heureux,
 Inondait le monde.
Les bardes y chantaient ses bienfaits,
Déclamant son éternelle beauté.
Sa Nature resplendissait, alors,
Célébrée par la musique et les danses,
Le chant des oiseaux
Et les rires enfantins.

Puis vint le Temps du Mépris.
Les notes du griot s’envolèrent de son luth,
Tristes,
Le Temps du Mépris.
Orgueil et pouvoir
Folie et déraison
La haine et les guerres
Les maladies et la Mort
Des champs de ruines
Des forêts détruites
Les océans et les rivières pollués,
L’Harmonie rompue
La magie disparut.

Notes tristes en bandoulière
Son bâton noduleux bien en main
Le griot scruta la montagne.
Un val perdu l’y attendait,
Tout en haut.
Sur le sentier rocailleux,
 Il s’en fut sans regret.
Ce Monde n’était plus le sien.
 

La complainte du Griot
© Robert Haïtam Péaud
20 janvier 2023.