Poésie

  • Le ney, la flûte de roseau

    La flûte et le roseau


    Djalāl ad-Dīn Muḥammad Rūmī (1207 – 1273).

    Écoute le ney (la flûte de roseau) raconter une histoire, il se lamente de la séparation :
    Depuis qu'on m'a coupé de la jonchaie, ma plainte fait gémir l'homme et la femme.
    Je veux un cœur déchiré par la séparation pour y verser la douleur du désir.
    Quiconque demeure loin de sa source aspire à l'instant où il lui sera à nouveau uni.
    Moi, je me suis plaint en toute compagnie, je me suis associé à ceux qui se réjouissent comme à ceux qui pleurent.
    Chacun m'a compris selon ses propres sentiments ; mais nul n'a cherché à connaître mes secrets.
    Mon secret, pourtant, n'est pas loin de ma plainte, mais l'oreille et l'œil ne savent le percevoir.
    Le corps n'est pas voilé à l'âme, ni l'âme au corps ; cependant, nul ne peut voir l'âme.
    C'est du feu, non du vent, le son de la flûte : que s'anéantisse celui à qui manque cette flamme !
    C'est le feu de l'Amour qui est dans le roseau, c'est l'ardeur de l'Amour qui fait bouillonner le vin.
    La flûte est la confidente de celui qui est séparé de son Ami : ses accents déchirent nos voiles.
    Qui vit jamais un poison et un antidote comme la flûte ?
    Qui vit jamais un consolateur et un amoureux comme la flûte ?
    La flûte parle de la Voie ensanglantée de l'Amour, elle rappelle l'histoire de la passion de Madjnûn.
    A celui-là seul qui a renoncé au sens est confié ce sens : la langue n'a d'autre client que l'oreille.
    Dans notre affliction, les jours sont devenus moroses ; nos jours cheminent avec les peines brûlantes.
    Si nos jours se sont enfuis, qu'importe !
    Demeure, ô Toi à la sainteté de nul n'est comparable !
    Quiconque n'est pas un poisson devient abreuvé de Son eau ; quiconque est privé du pain quotidien trouve la journée longue.
    Celui qui n'a point d'expérience ne peut comprendre l'état de celui qui sait ; mes paroles doivent donc être brèves. Adieu !