Au gré des vents et des mirages

Ombre flottant aux confins de sa conscience, il se sent léger, planant dans les cieux pour l’éternité sur les vents incertains d’un automne glacial. Des vents de folie, de folie et de déraison. Serait-il maudit par les Dieux pour affronter les démons d’un si funeste destin ? Pour être ainsi ? Pâle reflet de conscience en train de dériver au seuil du jardin des Hespérides pour en déguster les pommes d’or gardées par un dragon à cent têtes.

Dans l’air frémissant, des portes s’ouvrent devant lui sur une vallée colorée. Il y aperçoit un impétueux torrent aux reflets dorés serpentant au milieu de palmiers aux feuillages irisés. Des berges, comme un doux bruissement, montent les notes claires et aériennes d’une kora. Tout en harmonie, au rythme de cette mélodie qu’il trouve exquise, tel un aigle, il se sent planer dans l’azur en compagnie de curieux papillons butinant des fleurs multicolores aux parfums enivrants.

Soudainement, alors que la lune chasse un soleil flamboyant par-delà des montagnes sur lesquelles semblent s’agiter des ombres étranges, la forêt a disparu et la kora s’est tue !

Dérivant au gré des vents et des mirages, des embruns lui fouettent le visage.
Il est sur une plage.
Le fixant de leurs yeux vides et sombres, d’immenses oiseaux noirs font les fous au creux d’une écume sanglante. Au loin, dans les rougeoiements solaires déclinants, s’avance une silhouette solitaire dansant parmi des goélands.
Il veut s’avancer vers elle, croiser son regard, mais chacune de ses pensées l’aspirent un peu plus dans le sable de l’estran.

Bientôt les vagues le submergent pour l’engloutir, et dans le hurlement du vent qui se met à forcir, il lui semble entendre des ricanements obscènes. De ceux qui rythment une danse païenne autour d’une pierre levée une nuit de pleine lune. Dames blanches et farfadets en transes lugubres l’appelant à rejoindre le cercle de leurs rondes sataniques.

Son âme brisée galope alors à l’allure folle d’un cheval Malet. Le laissera-t-il au matin, pantelant à l’entrée du pont Sirat qui, plus fin qu’un cheveu et plus tranchant qu’un rasoir, peut faire trébucher le pêcheur dans les profondeurs du désespoir éternel ?

Son esprit haletant n’avait plus conscience de ce corps qu’il apercevait parfois au milieu de ce kaléidoscope d’images et de pensées qui défilaient à une vitesse défiant l’entendement.

Détaché de tout, il vit alors un paysage de marais, des cases éclatantes au soleil d’Afrique, les vagues sur l’océan. Lui, enveloppe vide, divaguant parmi des gens qui le pressaient, le questionnaient, le jugeaient, il ne comprenait rien. Il n’avait fait que se battre pour défendre la liberté.

Puis, tout à coup, surgit un village en flamme dans les lueurs du matin. Bruits, fureurs et pillage. Hommes, femmes et enfants enchainés au fond de cales puantes, les yeux vides de ne plus exister. Des cris et des pleurs. Dans ce chaos fantasmagorique, il perçoit une voix qui semble l’appeler depuis l’abime de son esprit. Telle une porte lumineuse qui s’ouvre dans la noirceur des cieux, elle laisse passer un chant merveilleux, un chant d’amour qui, accompagné des notes limpides et douces de la kora, repousse les démons qui l’assaillent de toutes parts tout en le réconfortant dans son désespoir.

Son esprit se souvient maintenant. La foule qui hurle son nom sous les larmes du ciel. Le glissement d’une lame. Puis le noir tuant la voix de l’espoir. L’espoir de liberté. Liberté d’exister. Exister, pour tous.

Apaisé, il peut commencer son voyage vers l’Éternité, il sait qu’une graine est semée et que son chemin sera long pour atteindre l’air enivrant de la liberté et de l’égalité, mais qu’un jour, son parfum embaumera cette terre où exister librement est un défi quotidien.

 

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Date de dernière mise à jour : 25/12/2024

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